Le refus des traitements, l’arrêt des traitements et la sédation palliative

Par : Romayne Gallagher MD, CCFP

Refus des traitements, arrêt des traitements et sédation palliative sont trois termes susceptibles d’apparaître dans les discussions entourant les soins de fin de vie. Ils ne sont pas toujours très bien compris et sont parfois confondus avec l’aide médicale à mourir (AMM). Connaître le sens de ces termes aide à prendre des décisions éclairées et à assurer la qualité de vie.

Les soins palliatifs ont pour objectif d’offrir la meilleure qualité de vie possible jusqu’à la fin de la vie. Chaque patient se distingue par sa situation propre, son expérience de la maladie ainsi que les objectifs et l’approche de ses soins. Plusieurs facteurs influencent la décision de refuser ou d’arrêter des traitements ou de recourir à la sédation palliative. Tous ces facteurs doivent faire l’objet de discussions et d’un consensus entre le patient et les prestataires de soins. En cas d’incapacité du patient de prendre part à ces discussions, ses proches ou mandataires interviendront en son nom.
 

Refus ou arrêt des traitements

Habituellement, la médecine a pour tâche de prolonger la vie. Or, à l’approche de la mort, prolonger la vie ne sert pas toujours l’intérêt du patient. Divers traitements et interventions permettent de prolonger artificiellement la vie : médicaments, nutrition artificielle et certains traitements comme la dialyse, les transfusions, la radiothérapie et la respiration artificielle. Il est important que les patients et les familles comprennent l’objectif et les risques ou avantages des soins qui sont prodigués. Au Canada, les personnes atteintes d’une maladie avancée (ou leurs mandataires) qui sont bien informées et en mesure de prendre des décisions en matière de soins de santé peuvent décider d’arrêter ou de refuser un traitement, même s’il pourrait prolonger la vie. Certes, ce sont les prestataires de soins qui veilleront à ce qu’un patient ne reçoive pas ou plus un traitement, mais la décision de refuser ou d’arrêter le traitement appartient au patient ou à ses proches ou mandataires. Le fait de refuser ou de cesser des traitements qui maintiennent artificiellement la vie ne signifie pas l’arrêt de la prise en charge des symptômes et de la douleur ni du soutien affectif. Le patient continuera de recevoir des soins et des traitements destinés à maintenir son confort afin qu’il puisse mourir naturellement de sa maladie.

Les trois premiers cas présentés ci-dessous sont des exemples d’arrêt et de refus des traitements en situation de maladie avancée. Dans chaque cas, c’est la maladie du patient qui cause son décès. L’objectif du plan de soins est de traiter les symptômes et d’assurer le plus possible le confort du patient, non pas de prolonger le processus naturel de la mort.

Cas no 1

Arrêt des traitements : Linda veut cesser la dialyse

Linda souffre de diabète depuis plusieurs années et a développé une insuffisance rénale. Elle reçoit des traitements de dialyse pour maintenir le fonctionnement de ses reins. Grâce à la dialyse, elle a pu vivre assez longtemps pour assister à la naissance de son arrière-petit-enfant il y a huit mois. Mais Linda faiblit de plus en plus; elle est en perte d’autonomie et se sent toujours fatiguée, en particulier les jours de dialyse. Les allers-retours à la clinique de dialyse lui sont de plus en plus pénibles, et elle considère maintenant que ces traitements ne font que retarder sa mort. Après discussion avec ses enfants adultes et l’équipe soignante, Linda décide d’arrêter ses traitements de dialyse. L’équipe soignante contrôle les symptômes dus à l’insuffisance rénale de Linda, qui s’éteint deux semaines plus tard entourée des siens.
 

Cas no 2

Arrêt des traitements : Robert veut cesser les transfusions

Cela fait trois ans que Robert souffre de leucémie, un cancer du sang. Ce cancer envahit sa moelle osseuse au point où il n’arrive plus à produire suffisamment de globules rouges pour vivre sans transfusions. De même, Robert ne produit plus suffisamment de globules blancs, et il contracte infection après infection. Au début, son corps pouvait combattre ces infections avec l’aide d’antibiotiques. Cela lui permettait de se sentir mieux et d’avoir assez d’énergie pour se consacrer à son passe-temps favori – la photographie – et à sa vie de couple. Mais depuis ses dernières infections, Robert n’a jamais pu regagner assez d’énergie pour sortir prendre des photos. Il passe la majeure partie de ses journées à dormir et a de plus en plus de mal à se rendre à l’hôpital pour recevoir ses transfusions sanguines. Sa conjointe et ses amis sont toujours prêts à l’aider, mais il n’aime pas se sentir aussi dépendant.

Robert explique à son équipe soignante comment il voit sa vie désormais. « Je n’en peux plus », dit-il. Son équipe lui rappelle qu’il peut toujours décider de ne pas traiter les prochaines infections. Il a le droit de refuser les antibiotiques puisqu’ils ne l’aident plus à se remettre des infections. Il peut aussi arrêter les transfusions si elles ne donnent plus rien. Il a le droit de décider d’arrêter tous les traitements et de laisser la nature suivre son cours. Robert décide d’arrêter les transfusions et de renoncer aux antibiotiques s’il contracte une autre infection. Sa conjointe l’appuie dans sa décision. Elle a constaté que les choses avaient changé chez Robert et que les traitements ne lui font plus aucun bien. Deux semaines plus tard, Robert contracte une infection. Il éprouve une gêne respiratoire, mais son équipe lui administre de petites doses d’analgésique pour le soulager. Il mourra paisiblement quelques jours plus tard.
 

Cas no 3

Refus des traitements : La famille de Marjorie refuse les traitements de prolongation de la vie

Marjorie est une vieille dame fragile vivant seule dans sa maison. Elle a toujours dit à son neveu et à sa nièce qu’elle n’aura pas envie de vivre longtemps lorsqu’elle ne pourra plus habiter chez elle ni gérer ses propres affaires. « Je ne veux pas qu’on me branche sur des machines et qu’on me nourrisse à la cuiller », leur a-t-elle dit. Un jour, elle se retrouve subitement prise d’un horrible mal de tête qui lui donne des douleurs atroces. Elle appelle son neveu, mais celui-ci arrive à peine à la comprendre parce qu’elle a du mal à articuler. Lorsqu’il se présente chez elle, c’est à peine si elle est capable de lui répondre. À leur arrivée, les ambulanciers lui placent un tube dans la gorge pour l’aider à respirer. À l’hôpital, un examen d’imagerie révèle que Marjorie a subi un grave accident vasculaire cérébral dont elle ne se remettra probablement pas. L’urgentologue explique que son seul espoir de rester en vie serait de garder son tube et d’être branchée à un respirateur. Il faudrait aussi lui administrer des médicaments pour réduire l’enflure de son cerveau. Si jamais Marjorie reprend connaissance, on s’attend à ce qu’elle ait des déficiences physiques et peut-être aussi des troubles cognitifs; elle ne pourra plus vivre seule et aura besoin d’aide pour tous ses soins.

Le neveu de Marjorie est son plus proche parent et son mandataire. Il sait que Marjorie n’aurait pas envie de vivre s’il lui était impossible d’être autonome dans sa propre maison. Il demande à l’urgentologue s’il y a d’autres options. Ce dernier lui répond que Marjorie n’a presque aucune chance de retrouver une vie normale; le neveu de Marjorie pourrait donc demander qu’on lui retire son tube respiratoire et qu’on ne lui administre pas de médicaments pour réduire l’enflure de son cerveau. L’équipe soignante s’emploierait surtout à traiter les douleurs et autres symptômes qu’elle pourrait éprouver pour qu’elle puisse mourir d’une mort naturelle. Puisque c’est ce qui semble le mieux correspondre aux volontés de Marjorie, son neveu accepte. Il restera avec la nièce de Marjorie au chevet de cette dernière jusqu’à sa mort, douze heures plus tard.
 

Cas no 4

Refus des traitements : La famille de Cécile refuse qu’on lui installe une sonde d’alimentation

Cécile est une femme de 88 ans atteinte de démence depuis trois ans. Ces derniers mois, elle s’est affaiblie; elle est maintenant incapable de marcher, passe la majeure partie de ses journées au lit et a de plus en plus de mal à avaler des aliments ou des liquides sans tousser. Sa fille craint qu’elle « meure de faim ». Le médecin et le personnel médical lui ont parlé de l’évolution typique de la démence et du fait que les personnes atteintes ont moins le goût de manger et de boire. Ses discussions avec le personnel et ses lectures sur le sujet lui ont permis de se renseigner sur l’évolution naturelle de la démence et de comprendre que sa mère ne souffrira pas de faim. Elle souhaite que sa mère reçoive de bons soins de fin de vie et, lorsqu’elle est éveillée et qu’elle peut avaler sans danger, qu’on lui fasse siroter des liquides et qu’on la fasse manger tout doucement par la bouche, ou qu’on lui donne de bons soins pour prévenir la sécheresse buccale.
 

Aliments solides et liquides 

Vers la fin d’une maladie progressive grave et incurable, le patient en vient à ne plus pouvoir boire ni manger, trop faible pour avaler ou le plus souvent endormi. Un patient qui n’a plus la force d’avaler peut commencer à tousser et risque de s’étouffer en mangeant ou en buvant. Pour continuer à nourrir et à hydrater le patient, il faut alors lui installer une sonde d’alimentation. Il s’agit de tuyaux insérés par le nez qui descendent jusqu’à l’estomac, ou installés directement dans l’estomac par un petit trou dans l’abdomen réalisé par chirurgie. À une étape aussi avancée de la maladie, les systèmes cessent de fonctionner, et l’organisme n’arrive plus à utiliser les calories des aliments. Il est normal de craindre que le patient « meure de faim » si on cesse de le nourrir. Dans de telles circonstances, toutefois, c’est la maladie qui détermine à quel moment l’alimentation n’est plus possible; et même si elle l’était encore, l’organisme n’arriverait plus à utiliser les aliments pour donner des forces au patient ou lui permettre de vivre plus longtemps. Le patient n’a généralement pas faim, et la sensation de soif est surtout associée à la sécheresse buccale, que l’on peut éviter en prodiguant de bons soins de bouche.

L’alimentation à l’aide d’appareils médicaux – dont la sonde d’alimentation – est un acte médical qui s’apparente à l’administration d’un antibiotique ou à une transfusion sanguine par intraveineuse. Ainsi, lorsqu’une personne malade atteint un stade où elle ne peut plus boire ni manger, cette personne ou son mandataire peut refuser la sonde d’alimentation, qui prolongerait artificiellement la phase ultime de la maladie.

Cette décision est souvent controversée et chargée d’émotions, car l’alimentation et l’hydratation sont perçues comme les principaux soins de base nécessaires à la vie. Les patients et mandataires ont néanmoins le droit de refuser un acte médical ou chirurgical comme l’insertion d’une sonde d’alimentation ou le recours à d’autres appareils médicaux.
 

Sédation palliative

La sédation palliative consiste à administrer au patient un médicament qui le rend moins conscient et qui lui procure un confort impossible à atteindre autrement. Légale et éthique au Canada, cette pratique n’a pas pour objectif de causer ni d’accélérer la mort, mais d’assurer le confort de la personne jusqu’à son décès. La décision de commencer la sédation palliative est prise après une discussion approfondie entre le patient (s’il est apte à le faire) ou sa famille ou son mandataire, et le médecin. La sédation palliative est considérée comme un dernier recours aux derniers jours de vie, devant l’échec des autres traitements possibles, pour soulager des symptômes graves et insoutenables (p. ex. douleur, gêne respiratoire, agitation causée par la confusion).

Une fois le sédatif administré, l’équipe soignante surveille l’état et le confort du patient et la réaction de la famille au traitement. Comme il est possible de changer de médicament et d’ajuster la dose, les effets sur le patient vont d’un léger effet calmant au sommeil profond. Il est aussi possible de diminuer la sédation pour que le patient ne soit pas totalement endormi pendant les dernières étapes menant à sa mort. Des études ont montré que la sédation palliative ne réduisait pas la durée de vie. C’est la maladie et non les sédatifs qui cause le décès.

Les deux cas ci-dessous sont des exemples de recours à la sédation palliative pour réduire la souffrance des patients et assurer leur confort jusqu’à ce que la maladie les emporte.
 

Cas no 5

Sédation palliative : Jules est confus, agité et effrayé

Jules souffre d’une insuffisance hépatique grave causée par l’hépatite C. Il n’est pas admissible à une greffe de foie en raison d’autres problèmes de santé. Son foie ne filtre plus son sang comme il le devrait, et les toxines s’accumulent dans son sang. Ces toxines le rendent confus et finiront par causer sa mort en moins d’une semaine. Jusqu’à avant-hier, Jules était capable de comprendre et d’accepter ses traitements. Maintenant, il essaie de sortir du lit la nuit, il ne reconnaît pas sa famille, il est agité et il a peur. La famille de Jules est bouleversée.

L’équipe soignante de Jules fait des tests pour trouver les causes de la confusion et de l’agitation. Elle découvre que son foie ne fonctionne presque plus et qu’elle ne peut plus rien faire pour soigner sa détresse. Ce type de confusion s’appelle le délire. Comme les médicaments servant généralement à traiter le délire léger à modéré ne sont pas efficaces, l’équipe soignante rencontre la famille de Jules pour discuter des prochains traitements. L’équipe recommande la sédation pour permettre à Jules de se reposer au lit et de se calmer. La famille accepte, et le sédatif est administré. Jules reçoit une dose qui lui permet de rester couché calmement et de bien dormir. Le troisième jour, l’équipe réduit la dose, mais comme Jules recommence à être agité, elle augmente à nouveau la dose pour qu’il puisse se reposer sans avoir mal. Jules s’éteint sans souffrir de sa maladie le quatrième jour, sa famille à ses côtés.

Voir aussi : La confusion
 

Cas no 6

Sédation palliative : Roberto veut voir ses enfants une dernière fois

Roberto a un cancer qui s’est propagé à son foie et à ses poumons. Une grosse tumeur au niveau du pelvis, où le cancer a récidivé, lui cause une douleur aiguë. Il a subi des traitements de chimiothérapie et de radiothérapie, et il prend plusieurs analgésiques. Jusqu’à il y a deux semaines, la prise en charge de la douleur de Roberto était encore possible, mais un jour, Roberto s’est présenté à l’hôpital parce qu’il souffrait trop. Roberto s’affaiblit de jour en jour. Il mourra probablement d’ici une semaine à cause de son cancer au foie et aux poumons. Il veut vraiment vivre jusqu’à ce que son ex-femme amène ses deux jeunes enfants à son chevet, mais les enfants et leur mère habitent maintenant une autre ville. Même si l’équipe soignante fait de son mieux pour prendre la douleur en charge, Roberto est angoissé par la douleur et l’attente.

L’équipe offre à Roberto des sédatifs qui le rendront inconscient de sa douleur et réduiront son stress. Elle promet qu’elle arrêtera les sédatifs dès que ses enfants arriveront. Roberto accepte, et l’équipe commence l’administration du médicament en augmentant la dose jusqu’à ce que Roberto puisse dormir. Roberto dort une journée et demie. Quand l’équipe soignante apprend que les enfants de Roberto arriveront bientôt, elle arrête les sédatifs, et Roberto peut voir ses enfants une dernière fois. Après leur visite, il décide de recommencer les sédatifs pour soulager sa douleur. Il s’éteint deux jours plus tard emporté par le cancer.

Voir aussi : La douleur


Les patients atteints d’une maladie avancée et leurs familles auront de nombreuses décisions à prendre par rapport à leurs soins. Il est important de pouvoir discuter des risques et des avantages des traitements et interventions possibles avec l’équipe soignante pour prendre des décisions éclairées qui correspondront à leurs objectifs de traitement.

Voir aussi : Décisions en matière de soins de santé : Stratégie pour la prise de décision et la planification préalable des soins et La planification préalable des soins au Canada

 

Contenu revu en janvier 2023

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