Par : Lysa Toye
(Un mot d’explication : Les adultes qui prennent soin des enfants ne sont pas toujours leurs parents. Ce sont parfois leurs grands-parents, tantes et oncles, frères, sœurs ou parents de famille d’accueil, surtout si la personne qui se meurt ou est morte est, justement, l’un des parents. C’est pourquoi nous employons le mot « aidant » pour désigner de manière générale la personne qui a soin des enfants et des adolescents. Les enseignants et toute autre personne appelée à aider et soutenir un enfant ou un adolescent trouveront aussi ci dessous des informations utiles.)
Parler de la mort avec un enfant ou un adolescent est l’une des tâches les plus difficiles de l’aidant, surtout si la personne qui se meurt ou qui est morte est un proche de l’enfant ou de la famille. Les adultes se sentent parfois mal préparés pour aider les enfants, surtout s’ils sont eux-mêmes en état de choc ou s’ils ont du mal à composer avec leur propre deuil. Il est normal de ne pas bien savoir quoi dire ou quoi faire pour soutenir un enfant ou un adolescent de manière appropriée à son âge.
Notre première réaction est souvent de préserver les jeunes de la douleur du deuil en ne disant pas tout. Toutefois, si l’enfant est en train de perdre ou a perdu une personne qui avait pour lui une grande importance, rien ne pourra le protéger de la réalité de la maladie, de la perte et de la mort. Les spécialistes du deuil chez l’enfant recommandent de lui parler honnêtement, de l’aider à comprendre ce qui s’est passé et de le soutenir tant qu’il éprouvera les sentiments naturels qui accompagnent le deuil.
Cet article renseigne sur la préparation et le déroulement de cette conversation. Il insiste sur l’importance de communiquer de manière honnêtement, claire et simple, au moment opportun. Il traite de la mort prévisible, mais aussi des morts soudaines et inattendues. Et puisque la mort est parfois un mystère, il autorise à dire « je ne sais pas ».
Amorcer la conversation
Il est certes affreusement difficile d’apprendre à un enfant ou à un adolescent qu’un de ses proches se meurt ou est mort, mais ce n’en est pas moins une conversation importante, voire essentielle. Les enfants et les ados, tout comme les adultes, ont besoin de temps pour décanter leurs idées et leurs sentiments et pour formuler leurs questions. Les mots que vous leur direz les aideront à se préparer à la perte physique et affective de cette personne. Notre courage et notre volonté de parler de ces sujets difficiles enseignent aux enfants qu’une conversation difficile peut avoir lieu en toute sécurité et qu’ils peuvent vous parler de sujets ardus.
L’essentiel
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Installez-vous dans un endroit rassurant et confortable, où vous pourrez parler sans être interrompus.
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Si l’enfant est jeune, installez-vous de sorte que votre visage soit à la hauteur du sien.
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Dites-lui qu’il se peut que vous soyez bouleversé ou que vous pleuriez en parlant parce que vous éprouvez beaucoup d’émotion, que c’est naturel et qu’il n’y a rien de mal à cela.
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Dites-lui qu’il peut arriver que lui aussi vive de fortes émotions et qu’il est tout à fait normal de les exprimer.
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Commencez par ce que l’enfant ou l’adolescent sait déjà (si la mort est causée par une toxicomanie ou une maladie physique ou mentale, par exemple). Vous pouvez lui demander ce qu’il comprend du cancer de son père.
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Transmettez-lui l’information de manière directe, en employant des mots qu’il est en mesure de comprendre.
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Dites-lui bien que ses questions sont les bienvenues. Complimentez-le au sujet des questions qu’il pose et félicitez-le d’arriver à faire part de ce qu’il pense et de ce qu’il sent.
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Faites preuve de gentillesse et de sensibilité en lui fournissant l’information qu’il demande et dont il a besoin.
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Surveillez les indices qui vous aideront à adapter le rythme de la conversation, les signes qui vous diront quelle quantité d’information vous pouvez fournir et à quel moment l’enfant ou l’adolescent est prêt à l’entendre. Situations possibles :
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L’enfant veut faire une pause, pose des questions ou demande des clarifications.
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L’enfant commence à jouer ou n’a plus son comportement habituel. Est-ce que cette activité:
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L’aide à se détendre pendant qu’il écoute?
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Suggère qu’il en a assez entendu?
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Suggère qu’il évite d’entendre une information désagréable mais importante?
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Représente une façon de « décrocher » normale pour son âge ou son degré de maturité?
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Quand vous aurez terminé, si l’enfant veut arrêter, dites-lui qu’il sera toujours possible de poursuivre la conversation plus tard, avec vous ou un autre adulte.
La mort, prévisible ou imprévisible
La mort est le résultat d’une maladie, de la vieillesse, d’un accident, d’un homicide, d’un suicide, d’une catastrophe naturelle ou de la guerre. Par conséquent, soit elle est prévisible soit elle survient soudainement et provoque un grand choc. Chacune de ces situations suscite un questionnement particulier chez l’enfant ou l’adolescent et exige une réaction particulière de votre part.
Mort prévisible
Si la mort résulte d’une maladie, l’enfant ou l’adolescent est souvent conscient que la personne est malade et peut même avoir compris qu’elle pouvait mourir. Le cas échéant, commencez par ce qu’il sait déjà, dissipez tout malentendu et fournissez-lui toute l’information supplémentaire dont il a besoin.
N’oubliez pas qu’une mort prévisible pour un adulte peut être une surprise pour l’enfant ou l’adolescent.
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Peut-être savait-il que la personne était malade, sans toutefois avoir prévu sa mort.
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Il se peut que la mort lui ait été expliquée, mais dans des mots qu’il n’a pas compris.
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Il se peut que la mort ne lui ait pas été expliquée et qu’il n’ait pas suffisamment l’expérience de la vie pour tirer ses propres conclusions.
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Peut-être lui a-t-on dit que quelqu’un allait mourir, mais qu’il n’a pas eu la possibilité de saluer la personne ou de comprendre ce qui se passait.
Mort soudaine ou inattendue
Le choc et la peine causés par une mort soudaine ou inattendue risquent de compliquer les explications. Un message honnête et simple aidera toutefois l’enfant ou l’adolescent à se sentir inclus dans la réaction de sa famille.
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Expliquez lentement et clairement ce que vous savez de la mort.
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Si l’enfant ou l’adolescent demande des détails, choisissez l’information qui pourra l’aider à comprendre ce qui s’est passé.
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Il est important d’exprimer clairement les principaux renseignements (« il allait au magasin en vélo et a été frappé par une voiture » ou « elle a pris accidentellement trop de médicaments »), mais les détails trop explicites ou dérangeants ne sont d’aucune utilité.
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Répondez aux besoins physiques et affectifs fondamentaux de l’enfant ou de l’adolescent : un aliment, une boisson, de la chaleur, du confort et des liens avec les adultes qui les aiment les aideront à se sentir en sécurité.
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Soyez prêt à répéter certaines choses pendant cette première conversation et les jours à venir. Sous tension extrême, le cerveau n’est pas aussi habile à traiter ou à retenir l’information.
Une conversation sincère et honnête
Il est tentant de taire ou de modifier quelques détails pour amoindrir le choc, mais priver l’enfant ou l’adolescent de renseignements importants pourrait accroître son angoisse. Pour se sentir en sécurité, en effet, les jeunes ont besoin de pouvoir se fier à leurs aidants. Il importe donc de les tenir au courant de ce qui se passe. Ils connaissent généralement bien leurs aidants et sentent si quelque chose ne va pas. Sans compter qu’ils peuvent entendre un commentaire à la volée, surprendre une discussion entre des gens ou entendre leurs camarades parler à l’école. Ils ramassent l’information où ils peuvent et devinent souvent ce qu’ils ne savent pas ou ne comprennent pas afin de tenter de donner un sens à leur monde.
Les enfants ont beaucoup d’imagination et risquent d’imaginer une situation extravagante, pire encore que la réalité. Ils sont aussi naturellement égocentriques et les explications qu’ils inventent risquent d’intégrer une part de responsabilité personnelle :
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« Maman a attrapé mon rhume, elle est tombée malade et elle est morte. »
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« Si j’avais déjeuné avec papa ce jour-là, il serait parti plus tard au travail et il n’aurait pas été frappé par cette voiture. »
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« Si je n’avais pas été si difficile, maman n’aurait pas voulu mourir. »
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« J’étais tellement fâché contre ma sœur que je lui ai dit que je la détestais et que je souhaitais qu’elle meure, alors c’est arrivé. »
Parler de la mort et de ses causes et inviter les jeunes à poser des questions sont autant de moyens de les rassurer. De cette façon, en effet :
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ils comprendront la façon dont la mort est survenue et pourquoi elle est survenue;
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ils sauront qu’ils peuvent faire confiance à certaines personnes, qui vont écouter leurs inquiétudes et répondre à leurs questions.
Employer un langage simple et clair
Le vocabulaire de la mort étant assorti d’une lourde charge émotive pour nous, adultes, nous avons adopté de nombreux euphémismes ou mots « codes » pour décrire les événements difficiles. Ces mots sont très déroutants pour les enfants. Ils doivent entendre les mots « mourir » et « mort ». Ils doivent entendre le nom de la maladie et la cause de la mort : cancer, maladie de Lou Gehrig, suicide, toxicomanie, tuer, par exemple. Autrement, ils risquent de se demander pourquoi nous ne cherchons pas la personne « disparue » ou « perdue ». Ils risquent d’avoir peur de « s’endormir » et ne plus jamais se réveiller eux non plus. S’ils sont malades, ils craindront sans doute de mourir à leur tour.
Quel que soit leur âge, les enfants sont en mesure d’apprendre les nouveaux mots qui décrivent la situation. Chaque maladie, chaque intervention médicale ou chaque cause de mortalité ou presque peut être décrite dans un langage que les enfants comprendront. Vous pouvez par exemple expliquer que :
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Quand le corps meurt, il cesse de fonctionner et ne peut plus jamais recommencer. Il ne pense plus, il ne sent plus rien, il n’a plus froid ni faim et il ne peut pas revenir à la vie.
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La chimiothérapie est un médicament très puissant qui tente de tuer les cellules du cancer dans le corps, mais elle fait aussi que la personne se sent malade d’une autre façon.
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L’incinération, c’est le fait de mettre un corps dans un endroit très très chaud jusqu’à ce qu’il se transforme en cendres. Quand le corps est mort, il ne sent plus la douleur.
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Le suicide est le mot qu’on emploie quand une personne décide qu’elle ne veut plus vivre et qu’elle cause sa propre mort. C’est une idée qui vient souvent si une personne a une maladie qui s’appelle dépression.
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Un homicide, c’est quand quelqu’un tue une autre personne.
L’intervention d’un professionnel
Il peut être utile de faire appel à un professionnel comme un conseiller en matière de deuil, un thérapeute ou un travailleur social dans les cas suivants :
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si vous avez besoin d’aide pour comprendre le comportement de votre enfant ou la meilleure façon de l’aider;
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si la mort résulte d’une cause ou d’une situation compliquée comme une maladie mentale, une toxicomanie, la guerre, un suicide ou un homicide;
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si la mort est subite, inattendue ou attribuable à un accident;
Les enfants et les adolescents, tout comme les adultes, ont parfois intérêt à parler avec des gens qui ne sont pas de la famille, à approfondir leurs idées et leurs sentiments et à sonder leur compréhension de la situation avec le temps. Si la mort résulte d’une situation compliquée, les professionnels du domaine peuvent vous aider à dire les mots justes et à soutenir les jeunes d’une manière que ceux-ci sont en mesure de comprendre. En fait, ce sont souvent les concepts abstraits et les graves questions qui sont les plus difficiles à expliquer, par exemple : pourquoi la personne a eu un cancer, pourquoi une personne peut être déprimée au point de ne plus vouloir vivre ou pourquoi une personne a été victime d’un accident ou d’un crime.
Foi, spiritualité et mystère
La mort et l’agonie sont souvent décrites comme un « grand mystère ». Elles font surgir de grandes questions sur la vie et son sens. « Pourquoi? » est l’une des questions les plus profondes et les plus difficiles au sujet de la mort. Toutefois, les familles qui ont une vie religieuse ou spirituelle ont des croyances sur la mort et la vie après la mort qui les réconfortent et dont elles parlent volontiers à leurs enfants.
Il y a, du reste, des questions sans réponses, et il est tout à fait acceptable de dire à l’enfant : « Je ne sais pas. » Entendre un adulte reconnaître que la vie comporte des mystères auxquels il n’y a pas de réponse peut cependant avoir un effet intense sur un enfant ou un adolescent. Il y a lieu d’encourager les jeunes à se demander ce qui se passe après la mort et à sonder leurs propres idées et leurs propres interrogations à ce sujet. Si vous encouragez la curiosité, vous encouragez de même un rapprochement avec l’enfant, quel que soit son âge, et une réflexion commune sur ces mystères.
Pour en savoir davantage sur la façon de parler de la mort avec un enfant ou un adolescent, et les mieux soutenir, vous pouvez consulter les ressources suivantes :
Contenu revu en janvier 2023