Les manifestations de compassion et de soutien à l'échelle du pays et de la planète suite à la tragédie des Broncos d'Humboldt sont incroyablement émouvantes et inspirantes. Émouvantes par le nombre et l'intensité des marques de sympathie et d'affection. Inspirantes par les gestes remarquables que des gens de tous les âges et de tous les milieux ont posés pour rendre hommage aux disparus et venir en aide aux blessés et aux personnes touchées par cette tragédie.
Tout le monde peut comprendre
On peut être ébranlé par cette tragédie sans être un amateur de hockey. On la ressent vivement à la fois par son ampleur et parce qu’elle nous rejoint tous d’une façon ou d’une autre – comme parent, comme frère ou sœur, comme membre d'une équipe ou comme être humain à la seule idée du choc et de la douleur subis par les familles, les amis, les collègues et les coéquipiers.
Chacun vit le deuil à sa façon
Il n'y a pas de « bonne » façon de réagir à un décès, et ça ne change rien qu'il s'agisse d'une fin attendue, inattendue ou horrible. La douleur peut s,avérer plus vive chez ceux qui ont qui ont déjà vécu une tragédie sportive ou un autre deuil traumatique suite à une mort subite, ou qui ont perdu un proche récemment. L'important, c'est d'apporter un soutien inconditionnel, sachant que chaque personne est différente et que chacune trouvera sa propre façon d'exprimer son chagrin et sa solidarité. Certains auront besoin de parler, d'autres trouveront du réconfort dans l'action et plusieurs feront un peu des deux. Chacun réagira selon sa personnalité, son âge et son vécu face à la mort.
Il faut savoir aussi que les enfants vivent le deuil différemment des adultes selon leur degré de maturité et leur compréhension de la mort. Il est important de parler avec eux de ce qu'ils entendent et de ce qu'ils ressentent. Le site DeuilDesEnfants.ca est une bonne ressource.
Le besoin d’agir
Bien des gens réagissent à la tragédie par des gestes de solidarité qui font du bien. Partout au pays, jeunes et moins jeunes se serrent symboliquement les coudes en portant un chandail de hockey, en mettant un bâton de hockey sur leur perron, en contribuant à la campagne de sociofinancement ou en utilisant les mots-clics #HumboldtStrong et #PrayersforHumboldt sur les médias sociaux. En Ouganda, un garçon de 13 ans, Sadam Lukwago, a mis son chandail des Rangers d’Oakville pour se rendre aux bureaux de One4Another International, l’organisme de bienfaisance qui a payé l’opération pour corriger son pied bot. Les fonds de cet organisme sont recueillis presque exclusivement par de jeunes joueurs de hockey canadiens. Pour sa part, Kerry MacGregor a créé un émouvant dessin dans lequel les victimes de Humboldt invitent Jonathan Pitre à se joindre à eux pour un match de hockey céleste. Jonathan est un courageux adolescent ontarien qui a témoigné publiquement de son combat avec une rare et douloureuse maladie de la peau. Il est décédé à 17 ans, deux jours avant l’accident de Humboldt.
La résilience et la force
La fragilité et les larmes sont souvent des choses qu’on cache en société, mais la réaction populaire au cours des deux dernières semaines montre que les choses changent. De plus en plus, dans l’esprit des gens, faire preuve de « force » après une épreuve ne se limite pas à se relever et à remonter en selle. La résilience est aussi un type de force. Tout le monde ressent des émotions, et ces émotions sont parfois fortes. Oui, « se relever » est une manifestation de résilience remarquable, mais il est tout aussi admirable de visiter les zones d’ombre où grondent la colère, la culpabilité et les autres émotions qui accompagnent le deuil. Il faut aussi s’autoriser à pleurer. « Ressentir » et « se relever » sont deux aspects du deuil auxquels il faut accorder un temps égal. Il est réjouissant de voir des personnalités comme Sheldon Kennedy, un ex-joueur de la LNH, montrer l’exemple en invitant les gens à manifester leur soutien par leur présence plutôt que par leurs conseils et en insistant sur l’importance de se parler et d’exprimer ce qu’on ressent.
Le deuil n’est pas un processus linéaire
« Passer à autre chose » est une phrase qui revient souvent dans le discours public. C’est à la fois une réalité de la vie et une composante de la résilience. Il faut toutefois être conscient que le deuil n’est pas un processus linéaire dans lequel on avance progressivement sans jamais tomber ni reculer. Le Victoria Hospice, en Colombie-Britannique, le décrit plutôt par la métaphore du labyrinthe. La seule façon de passer à autre chose est de traverser le deuil qu’on a à vivre, tout en sachant qu’il y aura maints détours et culs-de-sac en cours de route. « C’est un voyage au cœur de nous-même dont on revient lentement pour réintégrer le monde. »
Le deuil n’a pas de durée prédéterminée
Il est important que les personnes directement touchées par la tragédie — les proches, les amis et les coéquipiers des victimes — comprennent qu’on ne peut pas « expédier » le deuil. Le deuil n’a pas de durée prédéterminée. Dans les premiers temps, beaucoup d’endeuillés sont habités par un sentiment d’« irréel » ou de choc. À ce stade, ils ont l’impression que leur monde s’est arrêté alors que la vie des autres continue. À la longue, et à mesure que leurs émotions s’atténuent, ils finissent par comprendre que le deuil n’a pas de fin. Ce parcours n’a pas de ligne d’arrivée, mais il est jalonné de signes que les choses s’améliorent, par exemple le jour où on se dit « on dirait que je sors du brouillard ».
Il est important de se traiter avec bienveillance. Il est facile de tomber dans la comparaison avec les autres ou d’avoir des attentes irréalistes sur la rapidité à laquelle on « devrait » reprendre le dessus. Parfois, la souffrance émotionnelle nous pousse à vouloir accélérer le processus.
En tant que collectivité, il est important de respecter le processus de deuil collectif; d’être conscients des attentes qui pourraient nous empêcher de donner notre soutien inconditionnel; et de prendre conscience des peurs, des failles et des sentiments d’impuissance qui nous retiennent parfois. Ce sont des réactions humaines normales. On ne peut pas faire disparaître la souffrance des autres, mais on peut leur offrir amour, soutien et compréhension tout au long du chemin à parcourir.
Fred Nelson, est consultant psychosocial au sein de l'équipe clinique du Portail palliatif canadien. Travailleur social virtuellement retraité, il compte 40 années d'expérience dans le domaine des soins palliatifs et de la prise en charge du deuil et de la perte.