Par : Romayne Gallagher MD, CCFP
Nous sommes nombreux à avoir vu des gens souffrir. Comme le suicide médicalement assisté et l’euthanasie promettent la fin immédiate de la souffrance, ce sont des solutions attrayantes en fin de vie. Certes, à distance, on ne voit que la perte et la souffrance, mais beaucoup de ceux qui ont pris soin d’une personne mourante dont les symptômes étaient maîtrisés ont constaté que cette période peut aussi être une expérience intense et enrichissante.
Il est important de discuter et de débattre de ces questions primordiales, puisque la façon dont nous traitons les plus vulnérables d’entre nous en dit long sur les valeurs de notre société. Mais d’abord, assurons-nous de comprendre les termes du débat.
Voir aussi « Suicide médicalement assisté et euthanasie : questions fondamentales »
Le suicide médicalement assisté et l’euthanasie désignent tous deux un décès causé par un médicament létal prescrit par un médecin. C’est le médicament et non la maladie qui provoque le décès, et le patient prend lui-même le médicament. Dans le cas de l’euthanasie, en revanche, c’est le médecin qui l’administre. Il s’agit généralement d’un barbiturique à dose suffisante pour provoquer d’abord la somnolence, puis un coma et la mort.
Là où cet acte est légal, il existe un protocole pour évaluer la personne qui a demandé à mettre fin à sa vie et pour déterminer si elle est admissible au programme. Il s'agit généralement de discussions approfondies entre le patient et au moins un médecin, souvent deux. Si le ou les médecins estiment que la personne satisfait aux conditions du programme, l'un d'eux prescrit la dose mortelle.
Le suicide médicalement assisté
Le médecin prescrit un médicament dont la dose est mesurée pour provoquer la mort. Le patient fait exécuter l’ordonnance par une pharmacie et détermine ensuite si ou quand il va prendre le médicament pour mettre fin à ses jours. Le médecin ne le lui administre pas.
Voici deux exemples.
L’histoire de Jeanne : perdre sa qualité de vie
Jeanne souffrait d’une sclérose latérale amyotrophique (SLA), ou maladie de Lou Gehrig, à un stade avancé. Il s’agit d’une maladie évolutive, qui attaque le système nerveux et affecte peu à peu la mobilité, la communication, la déglutition et la respiration. Elle empêche le patient de fonctionner de manière autonome. Jeanne était mariée depuis 45 ans, et son mari avait aussi des problèmes de santé. Elle avait du mal à marcher parce que l’une de ses jambes était faible. Comme ses bras s’affaiblissaient aussi, elle a eu ensuite besoin d’aide pour prendre son bain, s’habiller et préparer les repas. Certes, elle bénéficiait chaque jour de services de proximité et de l’aide de ses enfants, mais elle voyait bien que cette situation imposait faisait souffrir ses enfants et les stressait. Elle était tourmentée à l’idée que le fardeau qu’elle représentait pour eux irait en augmentant puisque son mari et elle allaient devenir de plus en plus dépendants. Cela étant, Jeanne constatait que sa qualité de vie diminuait et avait l’impression que tout était fini.
Elle a beaucoup parlé à sa famille de sa détresse et de sa volonté de recourir au suicide médicalement assisté. Troublée, sa famille a néanmoins essayé de comprendre ses motifs. Jeanne a fait des recherches avec l’aide de son médecin et présenté une demande. Après investigation, elle a été déclarée admissible et a obtenu le médicament nécessaire. Peut-être avait-elle encore de nombreux mois à vivre, mais elle a décidé de prendre le médicament et est morte.
L’histoire de Gilles : des souffrances insupportables
Gilles souffre depuis cinq mois d’un cancer des poumons avancé, qui progresse malgré la chimiothérapie et la radiothérapie. Gilles maigrit et faiblit. Il tousse à nouveau, a du mal à dormir la nuit et est de plus en plus essoufflé. Il peut encore se doucher et se vêtir seul, et rendre brièvement visite à ses amis, mais la douleur s’intensifie et lui laisse peu de répit. Il se demande combien de temps encore il pourra continuer. Sa famille l’aide en préparant ses repas, mais il s’inquiète à l’idée de dépendre bientôt totalement de ses proches. Il a également l’impression qu’il est impossible de faire disparaître la douleur et craint que la vie ne devienne insupportable, ce qui lui cause une profonde détresse.
Gilles annonce donc aux membres de sa famille sa volonté de demander le suicide médicalement assisté. Bouleversés, ils l’appuient. Gilles se renseigne sur le protocole prévu par le gouvernement de sa province. Il rencontre deux médecins qui travaillent avec lui pour déterminer s’il est admissible. Une fois la décision rendue et au terme de la période d’attente obligatoire, Gilles obtient une ordonnance pour le médicament létal. Simultanément, son médecin traitant l’oriente vers une équipe de soins palliatifs et de prise en charge des symptômes. Constatant que Gilles est motivé surtout par l’intensité de sa douleur, l’essoufflement et sa crainte que tout empire, l’équipe prescrit un médicament qui atténue la douleur. Graduellement, Gilles recommence à se déplacer plus librement, sans s’essouffler. Il consulte régulièrement un spécialiste qui l’aide à verbaliser ses peurs et son anxiété. Il comprend ce qu’il peut maîtriser et découvre qu’il peut encore passer des moments agréables avec sa famille. Il décide de ne pas prendre tout de suite le médicament prescrit pour le suicide médicalement assisté. Il a gardé l’ordonnance, pour le cas où il en aurait besoin plus tard. L’équipe de prise en charge des symptômes travaillera régulièrement avec lui pour l’aider à maintenir sa qualité de vie le plus longtemps possible.
L’euthanasie
L’euthanasie désigne les cas où c’est un médecin ou un autre professionnel de la santé qui administre un médicament pour mettre fin à la vie d’un patient. L’euthanasie est volontaire si le patient lui-même demande le médicament létal. Elle est involontaire si quelqu’un décide qu’il y a lieu d’utiliser le médicament pour mettre fin à la vie du patient. Cette personne peut être un membre de la famille, un ami, un décideur substitut ou un médecin. Si la personne atteinte de démence n’a pas de parent, d’ami ou de décideur substitut qui puisse parler pour elle, le médecin peut prendre la décision en son nom.
Voici deux exemples. Le premier est un cas d’euthanasie volontaire et le second, d’euthanasie involontaire.
David et l’euthanasie volontaire : quand la vie ne vaut plus la peine d’être vécue
David a 32 ans. Voici huit mois, il a subi une lésion de la moelle épinière lors d’un accident. Depuis, il est quadriplégique, autrement dit : paralysé des quatre membres. Il respire avec l’aide d’un respirateur (ou insufflateur) et peut bouger les épaules. Ses mains sont très peu mobiles et ses jambes, plus du tout. Il a appris à utiliser un fauteuil roulant motorisé et peut donc se déplacer seul. Il parle et entend normalement, et utilise un ordinateur commandé par les mouvements de sa tête. Au moment de l’accident, David ne voyait plus sa famille et ne l’a donc pas mise au courant de son état. Il est divorcé et n’a pas d’enfants. Sa vie tournait autour de son travail et de ses copains de sport. De fait, ses amis lui apportent un soutien indéfectible et il a encore des visiteurs tous les jours. Bien qu’il ait récupéré, il estime que la vie ne vaut plus la peine d’être vécue. Il ne peut plus faire de sport, lui qui en faisait tous les jours avant l’accident, et il a besoin d’aide pour se vêtir, prendre son bain et faire sa toilette.
David vit dans une région où le suicide médicalement assisté et l’euthanasie sont légaux. Comme il ne peut pas prendre le médicament létal lui-même, il se renseigne sur l’euthanasie. Après une investigation approfondie, il est considéré comme admissible. Quelques semaines plus tard, un médecin lui administre le médicament et David meurt environ 40 minutes après. Il aurait sans doute vécu encore longtemps, malgré les complications inhérentes à la quadriplégie.
L’histoire de Louise : l’euthanasie involontaire pour une personne incapable de prendre des décisions d’ordre médical
Louise est atteinte de démence avancée. Elle ne comprend plus le pour et le contre des traitements. Elle est considérée comme incapable de prendre des décisions d’ordre médical pour elle-même. Elle a deux filles qui la connaissent bien et qui sont très présentes dans sa vie. Ce sont ses décideurs substituts. Dès les premiers stades de la maladie, Louise leur a dit qu’elle craignait de ne plus avoir de qualité de vie si elle était placée dans une maison de soins infirmiers et qu’elle ne pouvait plus prendre ses propres décisions. Elle leur a demandé de respecter sa volonté de ne pas vivre de cette manière et de l’aider à abréger ses souffrances, le cas échéant.
Louise est prise en charge dans son appartement d’un complexe pour personnes âgées. Elle a besoin d’aide pour se vêtir et ne peut faire que quelques pas. Elle mange bien si quelqu’un l’aide et semble apprécier les séances de musicothérapie et les visites. Ses filles se demandent souvent que faire maintenant que leur mère semble nécessiter plus de soins. Le transfert dans l’aile des soins infirmiers semble s’imposer. Les prestataires de soins leur ont dit que la qualité de vie des personnes atteintes de démence serait meilleure que leur famille le croit, d’après les chercheurs. Les filles se tourmentent : comment savoir ce qui convient le mieux à leur mère étant donné la dégradation progressive de son état? Comment choisir entre cette qualité de vie et le souhait exprimé par leur mère au début de la maladie? Après avoir vu l’état de Louise se détériorer pendant plusieurs mois, les filles demandent une évaluation dans le cadre du programme d’euthanasie. L’évaluation tient compte du déclin fonctionnel et de la qualité de vie mais aussi des souhaits de Louise qui, entre autres choses, ne voulait pas vivre dans une maison de soins infirmiers. Elle est finalement considérée comme admissible à l’euthanasie involontaire. Un médecin lui administre une dose mortelle de médicament en présence de ses filles. Il est impossible de savoir combien de temps Louise aurait pu vivre sans cette intervention.
Chaque patient a son histoire, qui doit être évaluée minutieusement. Le rôle de la société est de veiller à ce que soient envisagées toutes les possibilités qui s’offrent en fin de vie et à ce que les décisions soient prises avec le plus grand soin.
Le suicide médicalement assisté et l'euthanasie au Canada
Au Canada, on utilise le terme aide médicale à mourir (AMM) pour parler du suicide médicalement assisté et de l'euthanasie. Pour être admissible à l'aide médicale à mourir au Canada, une personne doit être en mesure de donner un consentement éclairé, avoir une maladie grave, être dans un état de déclin avancé, souffrir de manière intolérable de sa maladie et être à un point sa mort naturelle est devenue raisonnablement prévisible.
Un arrêt de la Cour suprême du Canada a rendu l'aide médicale à mourir légale au Canada à partir de février 2016. Le projet de loi C-14, la loi sur l'aide médicale à mourir au Canada, a reçu la sanction royale le 17 juin 2016.
Les réflexions entourant l'AMM ne cadrent pas avec le propos du Portail palliatif canadien.
Pour vous renseigner sur l'AMM, consultez le site du gouvernement du Canada.
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Contenu revu le 31 août 2016